Illustration de l'interview de Céline Pham, restaurant Inari, Arles, France

[ VINS ]

Les vins qui ont jalonné mon parcours jusqu’à Arles.

par Céline Pham, Inari, France

Divinité du riz, des moissons et de la fertilité, Inari est l'une des divinités shinto les plus célèbres et les plus aimées du Japon. Et c’est aussi le nom du tout nouveau restaurant de Céline Pham, petit prodige vagabond de la cuisine, qui vient enfin de poser ses bagages à Arles, au cœur d’une chapelle du 13ème siècle, pour y composer mets et délices avec le tempo estival qu’elle recherchait enfin. Au fil de ses souvenirs de cuvées, elle nous déroule son parcours.

 

« Aujourd’hui, j’ai passé le cap des traumatismes de la vie militaire de la cuisine, la découverte des vins m’a sauvé. »

L’émotion.

Les vins Bruno Schueller (Alsace) et le Chardonnay 2012, The Blanc de Patrick Bouju (Auvergne)

 

« Je suis allée travailler ensuite avec Sven Chartier chez Saturne (Paris 2e) et grâce à lui et sa curiosité j’ai là aussi découvert des choses incroyables. On avait fait ensemble une résidence chez Fulgurances (Paris 11e) et on avait choisi les vins. Certains d’Alsace, dont les magnifiques de Bruno Schueller étaient remarquables de profondeur. Je me souviens aussi d'un Chardonnay 2012, The Blanc de Patrick Bouju, ce génial vigneron en Auvergne. J’ai eu une émotion pour le vin lui-même sans penser aux accords. Parfois ce sont ces émotions qu’on recherche, et cela déclenche des envies par la suite. »

 

Le luxe.

Les champagnes de Georges Laval ou de Jacques Lassaigne

 

« Chez Saturne (Paris 2e), avec Sven Chartier, j’ai aussi beaucoup gouté de champagnes et cela m’a donné des gouts de luxe après ça, logique ! Ça allait de pair avec le rythme fou que nous nous étions imposés, cette vie dingue de brigade, quasi militaire. »

 

La simplicité.

Les Moussa Moussette de la Famille Mosse (Anjou)

 

« En travaillant plus tard Chez Aline (Paris 11e), cette ancienne boucherie transformée en restaurant par Delphine Zampetti, j’ai compris la vie simple avec les recettes réconfortantes qu’elle produisait et qui marchaient grâce aux vins de Loire qu’elle servait. Le temps pouvait s’écouler tranquillement, simplement. »

 

La maturité.

Les vins de macération du Domaine Radikon (Italie)

 

« Chez Septime (Paris 11e) plus tard, j’ai appris de la même façon avec Bertrand Grébaud. Beaucoup de rigueur, d’intelligence, tout est pensé et franc dans sa façon d’aller à l’essentiel. Et là, j’ai découvert les vins géorgiens et des vins orange, des macérations de blanc. Tout cela donne forcément à apprendre pour les gouts. »

 

Le plaisir.

Les vins de Frank Cornelissen (Italie), « Ła grande journée » de Jean-Yves Péron (Savoie)

 

 « Mon frère Julien, qui a une agence d’événementiel culinaire et qui fait lui-même ses cuvées avec le vigneron auvergnat Patrick Bouju du Domaine La Bohème, m’a ouvert le palais à des cuvées folles comme celles de Frank Cornelissen, ce vigneron belge installé au pied de l’Etna, ou celle de Jean-Yves Péron, en Savoie, « Ła grande journée ». On buvait ça avec mon frère pour se récompenser lors de belles journées de travail. Quoi de mieux ? »

 

Le pas de côté.

Les vins du Domaine Les Valseuses (Jura), “Embrasse-moi” du Domaine Les Bois perdus

 

« Créer mon propre univers était essentiel pour retrouver dans mon travail les marques de la bienveillance dont je manquais. Auparavant, j’avais un rythme totalement englobé par la dureté et l'intensité et je me suis longtemps posé la question du comment je devais me réaliser. Avec Inari, je commence à peine à toucher du doigt ce que je souhaite. C’est l’année du pas de côté. Ici, c’est un QG avec une vision et du temps pour regarder et construire. Nous nous faisons plaisir chez Inari mais il faut surtout être en phase entre ce que l’on propose à manger et les choix de vins que l’on fait. Le jeu est immense et infini avec les fruits, les herbes et les légumes que Arles nous procure. Tout cela fait vraiment la différence, je le sais depuis que j’ai fait « l’école de la Chassagnette », chez Armand Arnal et son potager incroyable… Je me suis dit : si tu ne t’en sors pas avec ces produits pour faire des choses extraordinaires, tu ne réussiras rien… ! Mais le choc émotionnel a eu lieu au marché d’Arles, où j’ai eu un coup de foudre pour un maraicher bio japonais, Jinno Raitetsu. La première fois que j’ai pris ses légumes, je l’ai regardé et me suis tue d’admiration devant le travail de cet homme. Tellement soigneux, précis, ça a pesé dans la balance de mes choix. Et pourtant j’avais un réseau à Paris avec les producteurs pour lesquels je m’étais battue pour travailler avec et puis faire ce saut de puce à Arles a bousculé toutes mes habitudes dont celles-ci. Là, on sort des achats pré-pensés pour se faire stimuler par un marché bouillonnant, booster sa créativité et bousculer le champ de la cuisine. Je me challenge beaucoup plus. Il fait chaud ici, et c’est un climat que je découvre pour concevoir ma cuisine où l’air doit absolument circuler. »

Article - Élodie Louchez

Après avoir été rédactrice en chef en radio pour le Groupe NRJ puis pour des magazines sociétaux et culturels pour France 3, France 5 et Pink Tv avec Michel Field, Elodie Louchez est aujourd’hui journaliste et autrice pour des magazines de découverte et des documentaires sociétaux, notamment sur l’écoféminisme. Elle est membre du syndicat de défense des vins naturels et a créé il y a 5 ans avec sa compagne Marie Carroget le premier salon de vigneronnes naturelles à Nantes, Canons.

 

Illustration - Chloé Weinfeld

Chloé Weinfeld est une illustratrice française établie à Lyon. Elle peint à la gouache des scènes surréalistes à la végétation luxuriante et aux tonalités éclatantes. Ses compositions complexes et joyeuses marient architectures rêvées et nature indomptée au gré d’explorations imaginaires. Ses peintures sont une invitation à l’évasion et à la rêverie.

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